
Chafic Abboud - Dans la nuit, 1971

Chafic Abboud - Jeux d’ombres à Montsouris, 1982-1983

Chafic Abboud - Mariage Kurde, 1949

Chafic Abboud - Dans la nuit, 1971
Abboud, Chafic
Mhaité (Liban), 1926 – Paris, 2004
Après deux années à l’Académie libanaise des Beaux-Arts (ALBA) en 1946-1947, Abboud fera plusieurs allers-retours entre Beyrouth et Paris, dont un passage, en 1949, par l’atelier d’André Lhote, avant d’obtenir une bourse du gouvernement libanais et de s’inscrire, de 1952 à 1956, à l’École nationale supérieure des Beaux-Arts de Paris.
Il a fait sa première exposition à Beyrouth, à la salle du cinéma militaire, le 19 janvier 1951 et en a fait deux autres, en 1955, à la Galerie de Beaune et à la Galerie La Roue, à Paris, avant l’obtention de son diplôme.
Des peintres libanais qui vécurent en France, Chafic Abboud est sans doute l’un des plus complexes. En se comportant comme un peintre de l’École de Paris, il n’a cessé de pratiquer, aussi bien dans sa peinture que dans sa vie, la dialectique conflictuelle du rapport Paris-Beyrouth, et cela, sans jamais perdre de vue l’histoire de la culture au Liban et de se placer dans une perspective libanaise. Terrain rendu d’autant plus glissant que la multiplicité des lectures confessionnelles brouillait toute image possible d’une culture nationale, celle-ci tendant plus à équilibrer les cultures communautaires coexistantes qu’à se définir elle-même.
Par le biais d’une tentative de définition de cette identité culturelle libanaise, Abboud pose le problème de l’intégration d’un ensemble qui regroupe la biographie, la peinture et la culture propre d’un individu, et les met en relation avec le milieu parisien de la peinture, à la façon dont s’étaient tissés les rapports entre Paris et Beyrouth. Au moment où le Liban accédait à l’indépendance (1943), la génération d’Abboud arrivait à l’âge de peindre et, dans le courant idéologique de l’époque, posait la revendication d’un art national. Quel modèle pouvait-elle se donner ? Certes, Farroukh, Onsi et Gemayel étaient libanais, mais ils fonctionnaient suivant les systèmes et normes instaurés par le Mandat français et le décalage était flagrant entre eux et la génération suivante.
Le premier noyau de celle-ci imposa donc une cassure à la fois réelle et inévitable, dans des termes qui n’arrivent à s’articuler que dans un dialogue conflictuel avec Paris. Mais ses membres n’en prirent pas moins conscience que la présence culturelle de Paris demeurait aussi forte que celle de Beyrouth même, et que souvent elle l’occultait, ainsi que les mécanismes de travail du réel, la saisie et la compréhension des formes et l’histoire de la peinture. Car Paris est plus présent à Beyrouth que ne l’est Beyrouth même, tout comme Beyrouth deviendra, dans sa lancinante présence, plus présent à Paris que Paris. Abboud s’acharne à se faire admettre à Paris, ville réelle et irréelle à la fois, tant chacun cherche à s’y ménager une place et à y faire ses preuves, sans que nul ne soit jamais certain d’y être parvenu, d’avoir reçu son dû et payé son écot. En somme, il fait le trajet inverse de Georges Cyr. Toutefois, il y avait chez Cyr une expérience parisienne déjà assise. Abboud est l’anti-Cyr. Il y a chez lui, dans la saisie, l’analyse, la sensibilité aux formes et leur utilisation, une contradiction entre un irrédentisme personnel et le désir d’accéder à l’histoire de la peinture en défendant une forme d’innocence, comprise comme une innocence de la forme et un rapport à l’intimité du monde.
« On ne travaille bien que dans les chambres. » Abboud fonctionne sur quelques constatations de ce genre, dont il tire la conclusion pratique : « Et puis il y avait le Larousse illustré. Quand j’ai vu Léonidas aux Thermopyles, j’ai compris. » Sa génération est marquée par la culture française, tout en étant imprégnée d’une autre sensibilité, typiquement levantine. Elle mêle sens du négoce et littérature : l’art comme commerce de la sensibilité. C’est l’histoire d’un Mandat qui, s’il s’était exercé pour certains sur la culture, les « mandatait » pour prendre la relève, hors du champ de la politique, dans une période qui de toute évidence était de transition. Appartenant à la même génération qu’Aouad, Abboud interpose, pour sa part, entre le réel, la part visible de Beyrouth et lui-même, une perception culturelle : le cubisme, l’histoire de la peinture européenne et l’idée d’une modernité qui implique la revendication de la différence, sans toutefois disposer de tous les moyens de son expression. Pour ce faire, il est contraint de raboter en lui la part de sensibilité, au demeurant difficile à maintenir puisque liée à un langage pictural, dans une situation culturelle dont la caractéristique principale se trouve être – à l’image de sa propre hésitation entre Paris et Beyrouth – l’instabilité d’un moment indéfiniment prolongé, afin d’échapper au choix impossible et déchirant, à l’impossibilité de se trouver en deux lieux en même temps, vécue en un jeu de yo-yo épuisant et schizophrénique
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Abboud tenta sans l’ombre d’un doute de s’intégrer à Paris, tout comme il lui fallut, à un certain moment, s’en détacher et accepter sa marginalisation pour tourner sa sensibilité vers Beyrouth, lorsque l’exposition de Dar el Fan, en 1969, marqua l’ouverture du marché libanais, qui devait se maintenir jusqu’en 1978, lors de l’exposition à la galerie Contact. Après cette date, l’afflux encore plus grand des Libanais à Paris répara en partie cette coupure. Mais Abboud avait déjà posé la question de la réalité et de la complexité des rapports Paris-Beyrouth par sa biographie, sa peinture et la réalité socioculturelle qu’il avait contribué à créer avec les peintres de sa génération aux prises avec la même situation et les mêmes problèmes. Pour une part, il a été victime du décalage entre ses lectures et la position courageuse que lui fit prendre le désir d’assumer une totalité picturale et culturelle. Il est à la fois un impressionniste qui utilise le cubisme pour parler et un conteur qui use de l’abstraction pour raconter. Il incarne la difficulté que connurent des milliers de peintres : comment être soi par rapport à Paris ? Le Liban intervient, en tant que public et marché.
Abboud fait une peinture qui sera vue par les Libanais comme une lecture et interprétation de l’abstrait, mais aussi comme l’homogénéisation de leurs propres réactions au choc de l’abstrait et de la problématique picturale libanaise. Car une part importante du public francophone avait besoin d’un Libanais reprenant ces problèmes dans sa peinture. Et cela, en dépit d’un malentendu : Abboud est, en fait, tout le contraire de ce qu’avaient cru comprendre les collectionneurs libanais.
Abboud veut l’abstrait comme langage et il y apporte, par excès de métier, une virtuosité lasse et comme se jouant d’elle-même. L’impasse aurait été de devoir s’expliquer au-delà de la toile pour que la toile puisse parler. Chez lui, la peinture porte sur le langage de la seule peinture, sans autre virtualité, sinon l’écho voluptueux de la sensation. Une peinture au début seulement anxieuse du possible langage de la peinture, puis plus anxieuse de la peinture que du sujet. Quand il faudra revenir au sujet, il sera aussi difficile d’oublier les années de pratique que de se séparer d’une part de soi.
Abboud a exploré les différentes possibilités de manière systématique, y voyant moins des voies de recours que la réalité d’un langage dont la complexité excluait la clarification picturale des différents niveaux sémantiques et historiques. Peindre le désir et le plaisir de peindre, et tenir au Liban non seulement comme un interlocuteur privilégié, mais par la seule force de prise : telle est la problématique personnelle qui est, chez lui, plus importante peut-être que les données picturales et permet une lecture et une explicitation de sa trajectoire.
L’insatisfaction d’Abboud à l’ALBA, l’élargissement de son horizon, son début d’intégration au circuit du marché de l’art et des galeries de Paris et sa vie jusqu’au milieu des années 1960 auront été l’image du trajet parisien des Libanais, des difficultés et des échecs que leur valent leur désir et leur conviction de représenter Beyrouth dans une peinture se faisant à Paris. Mais quelle autre position aurait-il pu prendre ? Rester à Beyrouth ? S’enfermer dans la recherche d’un art oriental ou national ou d’une « authenticité » des éléments ? Les problèmes auxquels se heurtent les peintres de sa génération à l’ALBA, il voit bien qu’il ne leur trouve pas de réponse.
Le vrai problème n’étant pas celui de trouver réponse, mais celui de savoir si la problématique est fertile. Or les influences de la peinture européenne, leur morcellement même, faisaient toujours écran à ce qui était le malentendu d’une recherche formelle, devant à la fois assimiler l’Europe – ce qui en semblait l’apprentissage – et questionner un héritage local qui n’était même pas perçu comme tel, mais comme la présence, sur la scène locale, de peintres tels Onsi, Farroukh Gemayel ou Cyr. Leurs points de repères ne manquaient pas seulement de possibilité de perspective historique ; il leur manquait aussi la maîtrise des différents modes d’expression sans laquelle la technique picturale serait seulement une trame à l’intérieur de laquelle on brode. Chez Abboud se pose le problème central de la présence de ces décalages par rapport à ces moments de grâce où technique et expression vont de pair.
Il ne faut pas restreindre l’historicisation de la peinture au Liban à un conflit primaire entre les influences de la peinture européenne et les revendications de l’identité d’un art libanais. Beaucoup de peintres vivront ce problème comme le seul fondamental point d’appui ne vacillant pas, parce que chacun le comprend à sa manière ou le vit pour une période plus ou moins longue.
Certes, Abboud est aussi un peintre libanais, et dans ce cadre, jusqu’au paradoxe, un continuateur de Gemayel aux prises avec les mêmes problèmes de lumière et de couleur. Il ne s’agit pas de dire ici qu’un peintre se résume à des problèmes de lumière et de couleur, mais de marquer la continuité depuis Khalil Saliby, professeur de Gemayel, à Gemayel, professeur d’Abboud à l’ALBA.
Abboud marque sa rupture à partir de l’instant où il situe Gemayel dans l’histoire de la peinture libanaise, mais il surmonte le décalage à partir du moment où il rejoint Paris dans le désir d’être le contemporain de la peinture contemporaine, non de ses professeurs.
De Gemayel, il retient le plaisir de peindre, la jouissance du travail de la matière et la même obsession de la couleur. À la fin, il ne cherchait plus à la rendre que par l’opacité de la pâte, tant pouvait lui sembler facile le recours à une interprétation plaisante et abstraite de l’impressionnisme. Chez Gemayel, l’idée picturale sensibilisée est prétexte au travail, le catalyseur en étant souvent cette présence sensuelle qu’il s’agit de rendre par des variations modales avec la couleur à la mode du temps. Gemayel apportait parfois cette acidité maladroite, vue comme une liberté de l’usage chromatique, qui transformait les formes en touches larges et épaisses. Pour lui c’était moins là l’influence de Saliby que le recours à une lecture visuelle de la peinture romantique, de Delacroix en particulier.
Abboud utilise l’abstrait comme prétexte pour aller tout droit au problème de la lumière et de la couleur. Certes, il y a l’arrière-plan intellectuel : identité, arabisme, spécificité picturale libanaise. Comment parler, avec le nécessaire mélange de rouerie et d’innocence, d’un affrontement avec Paris, alors qu’il ne l’aura affronté vraiment que dans l’imaginaire de quelques Libanais ? Ce qu’il voulait tellement, c’était peindre. Car dans l’articulation de ses liens avec Paris, cette œuvre est née de la couleur, de l’assimilation puis du démarquage et du refus du cubisme. Le cubisme aura été son alphabet classique, les éléments du vocabulaire qu’il faudra, plus tard, détourner – malentendu méthodologique, mais il n’y avait que Lhote, et Léger, dans le Paris des années 1950. Ce qu’Abboud voulait, en peinture, c’était la lumière et les couleurs de son village ; c’était tout cela, mais aussi les leçons de Gemayel à l’ALBA. Quand il s’inscrivit à l’École des Beaux-Arts à Paris, il souhaitait à la fois sauvegarder ses sources orientales, et ne pas se couper d’un Paris où, comme peintre, il devait vivre et s’exprimer. Les enseignements de Lhote et Léger, l’influence du néocubisme de l’époque lui permirent la déconstruction de la toile classique libanaise. Cela préparait le terrain à l’abstraction, qu’il pratiqua, d’emblée, comme un langage à explorer.
La sensation, au départ de la toile abstraite, est celle du modèle nu qui pose et qui devient le catalyseur progressif de la prise de possession, de la géométrisation du territoire de la toile, du jeu des formes et des couleurs. Abboud force la peinture par une série d’intuitions et d’assimilations qu’il s’applique à explorer jusqu’au bout. Dès le départ, c’est sa manière de prendre l’air du temps, de le mesurer à l’aune de ce qu’il veut comme peinture, de travailler moins à des vérifications qu’à des variations. Son point fixe est ce qu’à différents moments il veut pouvoir apporter à l’abstrait ; non plus une note orientale, mais un relâchement volontaire de la structure abstraite dans le désir de laisser travailler la peinture. Au bout du compte, Abboud pratique une peinture abstraite européenne des années 1960, et le fait d’être un Libanais installé à Paris y ajoute une problématique plus personnelle que picturale. Le malentendu tient à ce qu’il ne peut travailler le « personnel » dans le cadre du « pictural », les structures picturales utilisées n’étant pas adéquates. En effet, le cubisme, leçon d’ordre et de clarté, de construction et de clarification, est, à l’opposé d’une peinture qui ambitionne de rendre un élégiaque sensuel et littéraire, une expression liée à une série d’émotions, de souvenirs, d’idées toutes crues, inutilisables comme des figures de rhétorique ou de style, aux équivalences formelles historiquement trop claires pour qu’on n’y rentre pas dans un jeu d’héritage culturel où le retour au passé sauve d’un difficile recours au présent. Il y a là le désir d’une peinture narrative, d’une peinture à la structure suffisamment simple pour qu’il puisse raconter, se laisser aller à la narration, une manière de vouloir récupérer un vocabulaire des formes et des couleurs, à ceci près que l’intention de départ ne transparaît pas toujours de manière aussi nette et claire.
On dit de la peinture d’Abboud que c’est une somptueuse cuisine picturale, mais dont les termes même et l’abstraction n’arrivent pas à aller au-delà de ce que ses détracteurs prétendent être une limitation de l’usage de peindre. Selon ses propres termes, il a considérablement élargi, au moins pour lui-même et sa propre compréhension, les limites de ce langage en y incluant un désir narratif et de figuration qui est un équivalent plastique d’une poésie expressive. Sans être nécessairement littéraire, même s’il lui arrive de puiser dans des éléments qui le sont, il essaie de travailler et d’expliciter les éléments de l’identité et de la toile dans un cadre biographique, et articule par-là les éléments créatifs et plastiques d’un langage né de la maîtrise plastique de la non-figuration. Mais ce retour vers une narration picturale se heurte à une espèce de nostalgie sentimentale, marquant l’évolution vers une poétisation allusive des éléments plastiques et picturaux. Les travaillant pour eux-mêmes, il essaie de capter une poétique de l’identité dans un filet de sensibilité qui devient la trame de la toile. Une peinture offrant des possibilités de glose, une des seules qui représente, par la constance de ce qu’elle dit et ne dit pas, une possibilité de critique et de variations de lecture : intelligence précautionneuse ou maîtrise rouée de la cuisine picturale, et jouissance par cette cuisine même.
Pourquoi Abboud ne semble-t-il jamais aller au-delà du tableau ? C’est l’une des interrogations principales qui subsistent à son propos. La réponse est abrupte : au-delà du tableau ce n’est plus de la peinture. Il a toujours maintenu dans sa complexité la trame qui soutient son interrogation, à la limite préservant les contradictions comme une dialectique nécessaire à l’avancement de son travail, jusqu’au moment des crises violentes, quand il n’y avait pas de réponse pratique et là où dilemmes et conflits personnels faisaient impasse : surtout celui de l’identité, vue non plus comme un témoignage personnel, mais comme un acte constitutif et fondateur, sur lequel se bâtit et se poursuit l’œuvre picturale. À un moment, cette œuvre n’est plus vue comme un monolithe, mais comme l’addition nécessaire des différents essais et tentatives. Il faut accepter les dates, l’histoire, l’historicité. Le temps oublié, incertain au départ, fonde désormais la lecture de la toile. Le pari d’Abboud n’était pas facile. Présent physiquement à Paris, anxieux d’une présence à Beyrouth, il lui fallait maintenir cette dualité, sans s’amputer de l’une ou l’autre partie de lui-même. Il est vrai aussi qu’une part de la solitude nécessaire au travail à Paris était compensée par les séjours fréquents à Beyrouth, mais il ne s’agissait pas là de tourisme. Abboud se sent appartenir à une idée du Liban qu’il ramène non pas à une revendication d’un village, mais à la revendication d’une enfance, des éléments picturaux du bonheur : soleil des couleurs, couleur de la lumière, formes et rendu de l’ensemble. Alors que les peintres libanais allaient passer à Paris le temps de leurs études, prolongé par quelques années, et, l’inadaptation une fois constatée, rentraient à Beyrouth, Abboud, lui, a tenu le coup, non pour le plaisir du pari gagné mais par nécessité intrinsèque. Il avait choisi la peinture qui, pour lui, se faisait à Paris.
En 1950, il retravailla sur les problèmes d’héritage pictural, dans la foulée des recherches et des interrogations des peintres libanais à Beyrouth. Mais l’histoire de l’Art moderne met brusquement à distance le caractère relatif d’une revendication d’aiguières et de bols en argent orientaux, tout comme celle d’un art aux formes fixées d’avance et à l’intérieur desquelles ne sont possibles que des variations, comme l’ajout à un art vivant. Les influences orientales avaient mené à l’impasse du folklore. Abboud a cherché à travailler plus au niveau de la langue, du conte, de la forme littéraire vue comme un espace de liberté, où la construction et les digressions se font à volonté. Était-il possible de littéraliser cette forme en l’appliquant à une expérience personnelle ? Les Contes populaires transcrits et illustrés, puis plus tard l’illustration des textes de poètes, le besoin du livre comme objet, forme et plastique, en marquent les différentes étapes.
Abboud fait entendre sa voix dans les plus subtiles modulations ; une voix qui est à l’écoute des autres. La toile, au lieu de n’être pour lui que le seul lieu d’une affirmation agressive et violente de soi, est aussi lieu de dialogue. Il y a toujours ces allers-retours littéraires et rhétoriques dans son interprétation, parce que le lieu de peindre est celui où il n’est pas possible, à partir d’un certain moment quand on y est engagé, d’avoir du recul. L’éloge permet souvent de ne plus rien comprendre par ailleurs. Or chez Abboud aussi, ce sont bien les parts où il ne reçoit pas d’éloge qui en seraient les plus dignes, parce que les plus révélatrices de l’expérience picturale, de la mise à jour de l’échec de l’expérience picturale, mais laissée telle, comme témoignage de ce qui suivra, et non déguisée en réussite.
Son orthodoxie, la position politique de son village, l’excluent en partie d’une situation « maronite », plus évidente dans les termes actuels qu’elle aurait pu le sembler à l’époque. Il s’agit bien moins de voir en lui le tenant d’une problématique conflictuelle du rapport culturel Paris-Beyrouth, que le trajet, à la fois exemplaire et individuel – exemplaire parce qu’individuel –, tout à fait dans les traditions des rapports Beyrouth-Rome ou des peintres libanais ayant étudié à Paris à l’époque du Mandat. On n’oubliera pas, à ce propos, le trajet inverse d’un Cyr. Mais Abboud décida de rester à Paris. Simple stratégie pour se placer ? Tel ne semble pas être le cas. Il relève bien davantage de la complexité des motivations, de la réalité diffuse qui consiste à se percevoir à la fois Libanais à Paris par l’expérience et Parisien à Beyrouth par réalité, et, avec le temps, par nécessité.
Abboud se perçoit mal dans le cadre d’une peinture strictement libanaise, qui le ramènerait à un horizon clos, alors qu’au niveau historique, à partir de 1955, sa peinture se situe dans le déroulement d’une peinture internationale se faisant à Paris. Ce qu’il apporte est plutôt lié aux difficultés d’explicitation d’un pays, mais l’essentiel semble tenir à quelque chose de fondamental : en face de la peinture, il se voit comme un lecteur des peintres qu’il aime ou dont il est proche. Par sa présence sur la scène parisienne et la manière dont les Libanais voulurent le percevoir, il joua un rôle culturel important, à la limite par le changement de perception, la nécessité de faire parfois un peu plus attention aux choses, non par un mouvement de mode, mais par une dimension souvent occultée dans la peinture libanaise : le minimum de sens critique. Il fallait, certes, en avoir les moyens, mais il fallait aussi comprendre que cela était de quelque utilité dans l’avancement d’un art où les variations d’expression s’appuyaient autant sur l’ignorance du spectateur et de l’amateur improvisé que sur l’idée d’un produit importé de Paris.
Il n’est pas dit qu’Abboud n’ait pas eu à se débattre dans pareille situation, mais ce qui le sauva en partie est qu’il ne la vivait pas à Beyrouth, mais avec la distance offerte par Paris et avec le danger, non pas de ne pas mesurer la distance, mais d’accorder parfois à des problèmes secondaires une importance qu’ils n’avaient pas. Au fond, il représente la somme des conflits et des contradictions de la culture picturale libanaise et de l’image de la culture libanaise moderne en général.
C’est bien plus tard, à la fin des années 1960, qu’il a essayé de « culturaliser » l’élaboration de sa propre image, à partir du moment où cette élaboration même s’est intégrée dans son travail pictural, comme on entretient un nécessaire rapport avec soi-même, rendu plus tyrannique par la double présence volontaire de Paris et de Beyrouth, mais aussi de la manière dont il a préservé son innocence, gardant des deux villes – images, pays, cultures, émotions, sensations – une double présence et un refus radical d’une identification à Paris seul. Comment travailler sur le temps, temps partagé entre deux villes, et qui est aussi l’une des rares choses sur lesquelles la peinture ne peut travailler directement et sur lesquelles elle n’a pas prise ? C’était plutôt, pour lui, affaire d’instinct de survie.
À partir de 1975, avec la guerre au Liban, le problème ne se posera plus de manière aussi radicale, le partage entre Paris et Beyrouth étant devenu impossible. Si Abboud continue à aller au Liban jusqu’en 1980, il ne peut voir qu’une mutilation personnelle dans la destruction du pays dont il avait fait le moteur affectif et secret de sa peinture, par un mécanisme d’objectivation émotionnelle. Pays à la fois intérieur et extérieur, objet, lieu extérieur à soi dans une contradiction très bizarre, lieu réel et irréel facilitant et déclenchant les différents passages. Il est certain, en effet, qu’une grande part de l’analyse et du travail intérieur d’Abboud consista à placer le Liban à distance, comme perspective manipulable et utilisable dans un travail pictural. Il constitua le Liban en caisse de résonnance poétique, objet extérieur à soi, mais objet poétique. Il mena un travail sur la construction de l’image orientale, comprise au sens large du terme et qui a varié, selon les époques, de l’abstraction totale à des tentatives de figuration où la forme de la couleur tient lieu de construction. Pour lui, l’enjeu du Liban est la lumière dans la pâte. Au fond, il fit bien cette peinture, on ne peut plus peinture, le raffinement de la pâte, sans brutalité matiériste, mais travaillée par l’émotion, le sentiment, le souvenir, l’entrelacement de la peinture et de la vie. C’était là une naïveté nécessaire pour intégrer la double équation de la peinture et du Liban dans la pratique de la vie quotidienne, mais aussi du temps.
Abboud travaille sur l’histoire culturelle et celle de sa peinture. Il a réussi à constituer de manière évidente cette part de lui-même qu’il voudrait le moins voir définir par d’autres : le rapport violent et indéfinissable Paris-Beyrouth, c’est-à-dire, aussi, le seul moyen de conjurer tout exil par la peinture.
Placé dans une perspective d’histoire de la peinture, il perd les prestiges et les oripeaux de l’école de Paris pour entrer dans l’ordre de la peinture libanaise. Le décalage et la copie y sont de règle, ainsi que cette mystérieuse transmission de la sensation dont la part frustre et primitive en fait le seul élève de César Gemayel.
Comment être l’élève de Gemayel à Paris ? La vérité de son rapport à l’art tient à un point beaucoup plus simple : le désir. Abboud continue la chaîne Gemayel au sens de la transmission du désir plus que de la sensation picturale, dont il ne garde et ne revendique que le refoulé. Cette sensation physique de la couleur apparaît comme la revendication la plus évidente de la peinture, quand la seule idée d’une peinture-couleur tient à l’étal de l’impressionnisme dans l’abstrait.
Ce qui sauva Abboud fut le simple fait d’avoir compris à partir du milieu des années 1960 qu’il devait aller à son désir, avant d’aller à la peinture.
Un problème qui n’est ni d’histoire ni de génération, mais celui de l’impossibilité de rentrer dans l’histoire de la peinture autrement que par une revendication individuelle. Il y a certainement quelque chose de désarticulé. Par le jeu des allers retours. Abboud traîne cette autobiographie dont la figure centrale est le père absent et dont le remplacement tient plus à la figure œdipienne, d’une part, et d’autre part à sa reconnaissance comme peintre.
Cet effet de reconnaissance fixe le miroir et marque l’enfermement futur dont il n’est plus possible de sortir. Mais, en même temps, c’est ce qui lui a permis de se libérer. Les grosses virgules de couleur de l’impressionnisme sont installées sur les bancs de l’école. Elles vont répéter, sans fin et jusqu’à la nausée, le taclage de la peinture à Paris, jusqu’en 1970.
Le problème principal de cette peinture libanaise est l’absence erratique des pères et l’extrême difficulté à installer son désir. C’est par le chemin le plus long, celui de l’apprentissage social, qu’Abboud put installer en écho le sien. Il était peintre parce qu’il avait retrouvé le statut social de la peinture.
Abboud s’installe comme le peintre libanais de Paris, ne sachant pas qu’au bout du chemin la réalité est qu’il est le peintre français du Liban par cette mise en abyme qui fait de sa production picturale l’inverse du personnage social et de l’image qu’il en donne.
Abboud est le premier peintre libanais à s’installer à Paris après l’indépendance du Liban. Il ne fut pas le seul, il y eut toute la série de peintres arméniens à partir des années 1950, de Barkev à Bezdikian, quand jusque-là la mode était de passer quelques années à Paris avant de rentrer au Liban. Le mode de rapport Beyrouth-Paris répète par la distance le décalage physique et traduit le décalage intellectuel en phénomène de mode.
Cette culture libanaise du xxe siècle axée sur la rhétorique et le langage, soucieuse de leur transport et de leur acclimatation, servira surtout à structurer une approche uniquement littéraire du monde. À la limite, l’art n’y est considéré que comme un artisanat et lui récuse la possibilité de participer à la vie intellectuelle et culturelle.
Il aura offert aux Libanais, comme du citron givré, cette épluchure de la sensation, posée de manière un peu moins frustre et subtile sur son entendement sensible. Que comprend-on de sa propre sensation, semble-t-il dire, au moins quant à sa transmission.
Tout ce qu’il voulait nous faire croire était en train de fuir la sensation basique. Au fond, il essayait de caler au cœur de sa pratique celle de la socialisation du citadin grec-orthodoxe. Cet appât de la sensation, le léger scandale qui va aux dissonances ou à la douceur, son problème tient littéralement à faire corps avec le propos.
Hors du choc des influences, il y aura les chocs en retour, ses souvenirs obstinés du paysage qu’il poursuivra dans les années 1950 et 1960. Il ne repeignait pas la vie ou les souvenirs traversés par la peinture de ces années-là mais la matière et la manière de ces toiles, comme le tissu de sa propre peinture.
Celle-ci était devenue le commentaire et la glose de l’entière matière qu’il avait absorbée, émotion, sentiment, livre et toile. En somme, la peinture de Abboud est une réflexion sur deux peintures affrontées, celle de César Gemayel et celle du post-cubisme entre Lhote et Fernand Léger.
Le problème qu’il posait c’était la question fondamentale de l’époque : comment devenir l’exact contemporain de sa sensibilité et de son regard ?
L’aspect manuel, initiatique, omniprésent et la naïveté nécessaire finissent par apparaître de mieux en mieux maîtrisés. À partir de 1975, Abboud fait la peinture des Libanais des années 1970 à 2000, c’est-à-dire une peinture abstraite et parisienne, telle que leur sensibilité moyenne pouvait l’entendre. Elle leur donnait l’impression d’être de plain-pied au diapason de la culture et de la sensibilité picturale dans le monde.
Si ce n’est le bonheur, c’était une fenêtre sur le bonheur et si ce n’est pas la peinture du bonheur, c’en était du moins une figuration possible.
C’était bien sûr une autre affaire pour ceux qui ne supportaient pas les excès de couleur. Les couleurs d’Abboud avaient pris les colorations jaune et orangée de l’écho de Bonnard. Il ne le copie pas, il en décale l’entendement culturel et visuel.
En somme, il aura lutté pour devenir son propre contemporain. Il voudrait le faire dans la volupté de peindre et cette volupté est un piège bien plus important qu’il ne l’aurait imaginé. Bien plus par l’ascèse menée comme une entreprise quotidienne, qui ouvre autant la voie à l’errement baroque qu’à une rigueur uniquement graphique.
Il aura d’ailleurs toujours balancé entre le chromatisme baroque et une rigueur graphique censée sonner la cloche de la construction.
Le plaisir reste malgré tout au seul entendement de peindre. Le fait de vivre cela à Paris est fondamental parce qu’il l’oblige à se confronter à une manière différente de percevoir son propre travail. C’est encore une fois la même question posée : comment devenir son propre contemporain tout en restant attentif à toutes les parts qu’il voudrait sauver, la biographie et l’anecdote, l’histoire de la peinture et cette manière d’apprivoiser la sensation et l’humeur.
Si sa peinture apparaît aussi comme une autobiographie sensible et sensuelle, journal sans mot par la peinture de la peinture, il aura aussi retrouvé cette tradition grecque-orthodoxe d’une Byzance revisitée dans la montagne libanaise. La théologie s’y mêle de politique et lui permet de comprendre qu’à toute tradition familiale bien comprise il faudra rejeter l’épicerie en gros pour mieux la retrouver encore et redevenir l’épicier libanais à Paris.
C’est le colorisme par la saturation de la couleur. Abboud y ajoute ce qu’il n’ignorait pas dès le départ : l’épicerie en gros de la peinture à l’huile. C’est généreux, abondant, méditerranéen, coloré, mais la peinture, qu’a-t-elle à faire dans ce menu jusqu’à l’indigestion ?
La peinture développe chez lui un discours parallèle à la toile et qui n’a rien à y voir. Elle développe aussi une pratique totalement séparée du discours. La couleur à la truelle ne fait pas la maçonnerie. C’est-à-dire tout simplement que la lecture de l’image au départ, aussi ancrée qu’elle a pu être dans la pratique parisienne, revient à un primitivisme décalé qui frise une peinture abstraite naïve et que les formes décalées n’arrivent pas à incarner.
C’est une peinture naïve en son dialogue avec l’abstrait européen. À la fois contemporain et mesurant la distance que représente son appareil mental, sensible et intellectuel libanais, c’est-à-dire avec les codes de constitution d’un langage pictural, autonome et individuel, Abboud relit à son profit la peinture abstraite de l’école de Paris, celle des années 1950 à 1970.
Gemayel aura considéré l’apport visuel et chromatique de l’impressionnisme comme le dernier recours possible pour réveiller la peinture académique, seul rendu d’une convention de la chair, ne réalisant même pas que ce n’était qu’une couleur de peau. Abboud, lui, avait compris qu’il fallait reconstruire tout un langage de la peinture, non pas dans la réalité du maniement des couleurs, du pinceau ou de la toile, mais dans la réalité du monde qu’elle pouvait rendre. De fait, Abboud n’a pas quitté l’épicerie familiale de son père, ni sa mentalité.
C’est bizarrement cette même manière de remplacement de l’identité et du questionnement dans le discours qui oblige toujours à une synthèse, qui enferme historiquement le peintre dans une sociologie historique.
Or, la peinture ne peut être un événement que dans l’histoire de la peinture et ne peut relever de la seule lecture journalistique. En revanche sa mise en place historique, quand elle n’est pas dans un cadre purement pictural, en fait une stricte application de la sociologie picturale.
Il ne faut pas négliger la part de coupure sociale qu’impliqua pour lui le désir de devenir peintre. Ce n’est pas l’interdiction ou l’intimation du père : tu reviens à l’épicerie de gros. Mais le sentiment de l’accompagnement d’une vocation et l’on verra combien, de 1950 à 1962, seules l’amitié et la rivalité sourde avec un seul appui feront quelque peu poids. Abboud s’appuya sur Roger Gindertaël comme Aouad s’était appuyé sur Fritz Gotthelf. Les périodes d’interrogation, de questionnement et de flottement dans la vie et la peinture d’Abboud sont toujours marquées dans ses toiles par des ruptures picturales. Les peintres Nallard et Moser, comme lui proches un moment de Roger Van Gindertaël, projettent à la fois un Orient moral et mental important dans la radicalisation de l’abstrait comme langage, même si cet Orient ne peut être envisagé comme une lecture primaire de l’orientalisme. En effet, quelqu’un comme Moser est un pur produit de la culture germanique.
Abboud s’essaya parfois à des plans nets, manière de radicaliser sa vision, mais il ne pouvait pas ne pas revenir à ce qui fut toujours sa peinture, la sensibilité du plan de couleur travaillé et enrichi. Une façon de se laisser aller à son plaisir de peindre. Une image semble dès lors ne pouvoir délivrer que son contraire et plus encore ne pouvoir porter en creux que l’empreinte toute physique de son objet.
Il est le moule de l’attitude littéraire et esthétique de cette génération de Libanais francophones qui ne rêvent que de Paris, avant tout comme lieu de liberté et de réalisation et ensuite de reconnaissance.
Le mode du Beyrouth-Paris répété par la distance, le décalage physique, la traduction du décalage intellectuel devient un phénomène de mode. Il faut être sûr aussi qu’ils sont dans la continuité de cette culture libanaise du xixe siècle, faite de bric et de broc, synthèse de mondes complexes et de cultures, à la fois superficiellement assimilées, axée sur la rhétorique et le langage, soucieuse de leur transport et de leur acclimatation, soucieuse aussi d’acquérir les sciences comme le seul contrepoint de l’exactitude.
Cette culture n’a jamais considéré les arts hors de l’artisanat, et moins encore leur possibilité de participer à la vie intellectuelle et culturelle. Mais la forclusion d’Abboud reste Gemayel. Il n’a jamais prononcé son nom depuis 1951.
Il avait définitivement choisi Gemayel et avait assuré son choix par le plus long silence. Abboud fait la peinture du désir transmis par Gemayel. Le point essentiel reste la forclusion du nom.
L’apparent paradoxe est de réaliser que la névrose et la forclusion du nom chez Abboud font si intimement partie de son œuvre, au point d’apparaître parfois comme plus intéressants que l’œuvre même. Elles sont même l’œuvre véritable dans la recherche de la peinture et de la vie, par la manie de les confondre, quand sa peinture n’arrive pas à aller au-delà de l’effet boomerang du jeu d’influence et des interprétations.
Au niveau pictural, cette névrose est bien la fille de César Gemayel. Elle en porte, nous l’avons vu, la forclusion mais aussi l’impasse. César Gemayel, ses années 1920 à Paris ne lui firent même pas prendre conscience de la modernité. Il ne tenait que par la transmission première de Saliby, et la modernité c’était l’écho fruste et sensible d’un impressionnisme premier par la sensualité de la touche et l’exaltation de la couleur.
Tout cela était sexuel mais n’allait pas au-delà du sens premier.
Abboud reprend Gemayel, sans que l’un des deux ait jamais signifié à l’autre autre chose que cette filiation choisie : le fils de l’épicier en gros voulait être le vrai fils du peintre. Sans lieu ni loi. Il se trouve qu’Abboud est plus complexe que Gemayel, par la densité psychique, les modes de déréalisation et de culture.
Abboud porte aussi cet emportement premier qui fait que l’on réalise dix ou vingt ans plus tard que l’on est allé trop loin sans aller nulle part sinon tourner en rond. Il voulait peindre à Paris loin de tous ces Libanais.
Sa névrose est la césure entre Paris et Beyrouth. L’impossibilité de réduire le décalage et de relier les deux pôles de sa vie et de ces sociétés. Ses premières allégeances au parti communiste libanais envisagé comme le seul tenant d’une laïcité possible n’iront pas plus loin que la déception encourue du refus d’être admis ou assimilé parce que chrétien.
Il avait pourtant essayé de donner tous les gages d’allégeance, et même jusqu’aux moins attendus. Il fera ensuite retour vers la langue arabe, prenant des cours de langue et de grammaire sans toutefois donner lieu à autre chose qu’un gage de bonne foi. Et la peinture dans tout cela ? me dira-t-on. Elle est tout simplement ce qui peint.
À la fin Abboud ne perçoit plus que le souvenir du bonheur ou ce qui pourrait aider à le retrouver.
Le souvenir de la peinture suffit désormais à retrouver, au creux de l’angoisse, celui qu’il avait été et qu’il ne pourrait que croire avoir retrouvé au-delà de ce quart de siècle de guerre au Liban.

Chafic Abboud, Paris, 1986

Chafic Abboud, Beyrouth, 1987

Atelier de Chafic Abboud, Paris, 1977

Chafic Abboud, Paris, 1986