Charlton Maryette
Manchester, 1924 – Iowa, 2010
Maryette Charlton arriva au Liban avec une réelle sensibilité à la nouveauté dans ce qu’elle croyait être la peinture.
Elle fit de l’expérience du visuel et de toutes les manières possibles de parler de soi et de ce qui vous entoure, l’essence de sa pédagogie durant les cinq années (1952-1957) qu’elle passa à Beyrouth comme responsable du département de peinture à l’Université américaine. Elle ne venait pas de nulle part, mais il lui appartenait en propre de savoir écouter l’inconnu et d’aller au-devant de lui, de ne pas le brimer par un excès de règles de culture picturale quand elle se trouvait face à l’écho d’anciennes civilisations.
L’artisanat était en mesure de résister à cette approche iconoclaste, car il implique temps et patience, temps de la réalisation et, en amont, tout ce qui obéit trop à un antique mode de production pour être sensible aux nouveautés des formes.
Au demeurant, par rapport à la vieille maîtrise de la ligne sans dessin ni modèle, et donc sans dessein, qui menace les copieurs de l’artisanat, les instruments dont disposait Charlton étaient par trop primaires. Ce qu’elle apportait au Liban, de son école de Chicago, était moins la brusque irruption de la modernité que l’écho lointain d’un Bauhaus didactique.
Meilleure photographe que peintre, Maryette Charlton n’avait pas de formation académique et abordait le matériel comme une exploration de ses propres possibilités. En un sens, elle suivit la même démarche que ses élèves qui devinrent ses compagnons de route. Elle pratiquait une pédagogie toute américaine de l’égalité, de l’éveil et du partage.
Au Liban, Charlton fit des aquarelles sur le motif, où la volonté de saisir la sensation du moment en appréhendant le fait pictural vit couleurs et formes se dissoudre dans l’eau et la facilité du genre. Le malentendu consistait à saisir la sensation dans une architecture rigoureuse et difficile qui n’était pas adaptée à son propos.
Il y avait une contradiction historique et technique dans la façon dont elle avait assimilé et mis en équations les leçons du cubisme et du Bauhaus, et tout un arrière-plan mental de saisie du réel pictural avec un matériau qui ne pouvait pas dépasser le rendu poétique.
Certes, elle se refusait à installer un chevalet et une toile dans la rue pour travailler le motif, ce qui, au demeurant, était mal vu dans les quartiers populaires du Beyrouth des années 1950. Mais la légèreté du point de départ était trop évidente pour saisir autre chose qu’une sensation prenant corps dans une sorte de dérangeante maladresse de la forme. Tous les paysages du monde s’égalisaient dans l’écholalie.
Charlton relevait aussi d’une approche qui avait tiré les conclusions de l’impossibilité de pousser l’abstrait plus loin, et d’en faire une espèce d’académisme. Par nature et caractère, elle opposait à tout cela la fraîcheur du regard, une façon d’aller droit aux motifs et de les travailler avec suffisamment de sensibilité, sinon de culture, et le désir de se ressourcer à une peinture naïve qui la rapprocherait de la naïveté de la peinture. Elle avait compris que le meilleur moyen de ne pas écraser ses élèves sous un académisme dont ils auraient peu de chances de sortir et qui risquerait de leur faire passer le restant de leur vie dans la prolongation d’un apprentissage inachevé, était de leur fournir la possibilité d’improviser ou de construire devant le motif.
Réussit-elle dans son entreprise ? Il est permis d’en douter puisque Khalil Zghaïb, à qui elle fit écho, finit par rejoindre une forme d’académisme, non sans apporter, toutefois, une part vivifiante d’observation qui empêcha la répétition du motif et, par-là, une part de la névrose de la peinture. Mais Zghaïb donne toujours le sentiment qu’il travaille une image de la peinture plus qu’une peinture de l’image.
Au bout du compte, avoir fait écho à Zghaïb, fut la seule réussite de Maryette Charlton.