
Juliana Seraphim - Femme-fleur, 1966

Juliana Seraphim - Femme-fleur, 1966
Seraphim Juliana
Jaffa (Palestine), 13 avril 1934 – Jounieh (Liban), 2005
Juliana Seraphim a été secrétaire à l’UNRWA à Beyrouth, de 1953 à 1958, et a commencé à peindre, en 1957, à l’atelier de Georges Cyr.
Après diverses périodes d’expérimentations matiéristes et calligraphiques, elle posa la question du surréalisme en tant que convention d’une liberté picturale, dans une société où l’intérêt pour l’abstrait, pratiqué de manière trop proche du figuratif, allait rarement au-delà de celui qu’elle portait aux motifs des rideaux tchèques en tissu imprimé des années 1950. Elle reprit la tradition des femmes peintres des années 1930 : Marie Haddad et Blanche Lohéac-Ammoun.
Au départ, Seraphim manifesta une vitalité inconsciente d’elle-même, une fascinante féminité, une découverte progressive de l’émancipation de la femme qui attira la curiosité de la presse et du public, mais finit par devenir un phénomène social, celui de la femme peintre, détournant l’attention de sa peinture. On ne l’écoutait jamais ; on la regardait, elle, et non sa peinture. Il y eut là une rivalité, et sa cruauté dut s’exercer à l’encontre de sa bonté foncière, ce dont elle souffrit.
Après avoir été une matiériste non dénuée de talent, elle dut structurer ses toiles autour d’un orientalisme premier, une peinture d’atmosphère liée à une recherche qui évolua, au milieu des années 1960, vers le surréalisme popularisé par la revue Planète. Une pseudo-révolution surréaliste qui n’était ni celle de Breton ni celle des années 1930, mais l’importation de la spiritualité chic et toc de quelques salons parisiens. Séraphim n’en fut pas plus victime que d’autres, mais elle s’en fit un genre, et tout l’attirail annexe, dont elle n’était pas dupe, lui fut une machinerie à fantasmes.
À la fin des années 1960, le surréalisme apparut au Liban comme un produit plus décalé que littéraire, par rapport à l’irruption d’un réel qui, s’il n’était pas toujours strictement politique, commençait à peser de plus en plus lourdement sur les artistes et les écrivains. Ils comprirent alors que leur Orient n’arrivait jamais à parler de façon intelligible et articulée à un Occident qui leur avait enseigné une partie de leur langage. On essaya donc, avant les grandes revendications pour lesquelles on ne disposait pas toujours des instruments nécessaires, de se rapprocher d’un autre langage, où les formes du réel avaient quelque chance de passer pour spécifiques, même si elles étaient quelque peu simplifiées. Cette radicalisation, qui n’était pas toujours aussi radicale qu’elle l’espérait, tenta de passer pour un art politique.
Les peintres durent faire des choix. Les salons de Beyrouth ne dictaient plus les critères intellectuels et n’étaient pas non plus preuve de légèreté. Séraphim choisit Paris pour s’y installer et se lancer, dans une nouvelle peinture de genre, un surréalisme auquel s’intéressèrent quelques galeries marchandes. Il lui fallait alors tenir un rythme de production. Elle ne joua pas le jeu, pour des raisons qui n’étaient, au demeurant, pas uniquement picturales. Elle avait peine à entrer dans un circuit commercial qui impliquait des contraintes qu’elle ne pouvait supporter. Elle fut, il convient de le signaler, l’une des premières femmes peintres au Liban à s’assumer totalement comme telle, à faire de la peinture un métier et à en vivre, sans soutien financier familial.
Juliana Séraphim tient un discours véhément sur ses origines palestiniennes et chrétiennes, comme pour sauter au-dessus des chrétiens d’Orient et rejoindre une latinité qu’elle fait remonter aux Croisades, et qui lui semble légitimiser moins les influences culturelles européennes que le langage graphique du surréalisme, sa justification culturelle et le scandale qu’il a pu porter dans la société libanaise. Car le point fondamental fut sa découverte du surréalisme, qui sembla canaliser sa recherche, surtout au moment où elle eut besoin d’affirmer l’autonomie d’une personnalité féminine dans le milieu beyrouthin. Elle épousa toutes les formes de l’écho un peu affadi du surréalisme littéraire : femme-fleur, femme-sexe, et toute une panoplie symboliste. Certes, elle a aussi travaillé d’autres thématiques et eut une période phénicienne et une période de travail sur la lettre arabe.
Seraphim fut un temps, au Liban, à la fois vedette et victime d’une frange sociale où le fonctionnement de la peinture, le marché de l’art naissant, la concurrence des peintres et des galeries commençaient à donner l’illusion d’une créativité, alors qu’il ne s’agissait, le plus souvent, que de l’écho lointain de jeux d’influence. Elle eut l’intelligence de n’en être que rarement dupe.

Juliana Seraphim

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